Présentation de l’éditeur
On n’habite jamais une ville, seulement l’idée que l’on s’en fait. C’est l’imaginaire et la mythologie, le territoire mental de chacun, qui se surimposent à la ville réelle. Dans ce premier livre, Philippe Marczewski dérive dans le pays qui est le sien depuis son enfance. Ce pourrait être Sheffield, Amiens, Essen ou Gênes. Ce pourrait être n’importe quelle ville. C’est Liège, ses banlieues et sa campagne limitrophe. Passant d’une antique chênaie arrachée à des terrils devenus collines boisées, d’une montagne en escalier d’où l’on aperçoit presque la mer à des usines spectrales se découpant sur l’horizon forestier, l’auteur écluse des bières dans la banlieue rouge, foule la tombe anonyme d’un guitariste de génie, bouscule le fantôme d’un Chet Baker émacié, et se laisse emporter par la mélancolie nocturne d’un fleuve encagé. Ici les Grands Hommes ne sont pas statues mais formes à peine visibles, corps tapis dans l’ombre, fumées évanescentes.
Avec ce récit qui rappelle Henri Calet, Jean-Paul Kaufman («Remonter la Marne»), Philippe Vasset ou le psychogéographe anglais Iain Sinclair, Philippe Marczewski dessine la géographie intime d’une ville et de ses habitants, passés et actuels.
Extraits
« Liège est une île qui fit naître une île en son sein, Outremeuse, dont on disait qu’elle était si insulaire que même le wallon y était différent de celui qui se parlait de l’autre côté de la Meuse, et y avait fait naître son folklore et ses mythes populaires. Le cœur identitaire de Liège est une île sur une île isolée dans des mers hostiles. Comment s’étonner que s’entretienne un sentiment diffus d’être seuls, non pas contre tous, mais différents de tous, satisfaits de l’entre-soi, à jamais frustrés d’une puissance perdue, se sentant méprisés par Bruxelles, humiliés par Namur, usurpatrice de l’absurde titre-croupion de capitale wallonne, et gouvernés par des imbéciles, que pourtant on réélit sans cesse. Les Liégeois s’exportent mal. Vont-ils vivre ailleurs que se révèlent leur amertume et le mal du pays, ils se clament Liégeois partout où ils vont, peu enclins à trouver dans les villes voisines un quelconque intérêt, si peu curieux de ce qui se vit et se crée ailleurs si cet ailleurs ne vient pas à eux ; ils sont certains que leurs soirées sont plus douces, leurs fêtes plus festives, leurs bières meilleures. Qu’une convivialité surnaturelle relie les hommes et les femmes dans une chaleur humaine sans égale. »
« Elle s’est constituée en poche d’indépendance face à l’Empire germanique, à la France, aux Pays-Bas, espagnols et face aux Bourguignons, et toujours fut piétinée, bombardée, incendiée et mise à sac, passant d’une domination à une autre et toujours, malgré tout, s’est assurée son lot de puissance territoriale en étendant sa loi sur une vaste principauté. Et cette longue histoire de guerres, de trahisons, de massacres et de luttes pour la liberté a fait d’elle une île au milieu des empires. On venait y faire imprimer ce qui ailleurs était censuré. On venait s’y former auprès des maîtres dont les enseignements étaient, ailleurs, interdits. On l’appela Nouvelle Athènes et elle le crut, et le croit encore, mille ans plus tard. »
« (…) Il pose son convoi de fortune au coin de la rue, bricole sans attendre les boutons de l’ampli et lance à toute berzingue un couinement de synthé plaqué sur un boum-tchac binaire, embouche le sax et immole « What a wonderful world », on se voit soudain dans la salle d’attente d’un service de soins palliatifs, le taux de sucre dans l’air devient mortel, si j’avais ce qu’il me faut, je me ferais, sans délai, un shoot d’insuline (…)«
Mon avis
Liège, la Ville, ma Ville…
Idée préconçue, je croyais au départ acheter un roman (pourquoi? je ne sais pas, j’avais vaguement entendu – à la radio? – quelque chose qui m’y avait fait croire). Et voilà, le livre est étiqueté « récit » mais c’est bien plus que cela, c’est, je crois, une histoire d’amour pour sa – ma, peut-être notre – ville…
Il y a de tout dans ce livre : de l’Histoire, des histoires, de la géographie, de la musique, des amis, des cafés, des souvenirs, de l’humour aussi, un fleuve, des immigrés… (vous remettez tout cela dans l’ordre qui vous plaira)
En dix récits, Philippe nous présente SA ville.
Une promenade la traverse, de Chokier à Herstal. Chaque endroit est peuplé d’Histoire, histoire de l’industrie et surtout histoire des gens, riches ou pauvres, qui ont fait Liège.
Il y a aussi des souvenirs d’enfance, dans les endroits qui l’ont vu grandir…
Une promenade avec un copain photographe dans des endroits improbables…
Le jazz et quelques musiciens légendaires qui ont hanté les rues (et les bistrots) de Liège à une déjà lointaine époque…
Tout un monde perdu dans les brumes du temps…
Grâce à ce livre, j’ai redécouvert des choses que je connaissais pourtant et je sais à quel point j’aime cette ville MA Ville…
Que vous soyez de Liège ou pas il faut lire ce bouquin et, pour les Liégeois, ça rend heureux de l’avoir chez soi !